Congé payé pour raisons médicales : nouvelles exigences pour les employeurs sous réglementation fédérale

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Frédéric Desmarais, CRHA, et Kathleen Houlihan, Norton Rose Fulbright Canada

 

La Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail[1], telle que modifiée par le projet de loi C-19, soit la Loi d’exécution du budget[2], contient des modifications au Code canadien du travail [3](le « Code ») prévoyant un congé payé pour raisons médicales pour tous les employés fédéraux. Par la suite, des modifications ont été apportées au Règlement du Canada sur les normes du travail[4] (le « Règlement ») en ce qui concerne le mode de paiement aux fins du congé payé pour raisons médicales[5]. Ces modifications entrent en vigueur le 1er décembre 2022.

 

Congé payé pour raisons médicales

Tous les employés des employeurs sous réglementation fédérale ont droit au congé payé pour raisons médicales sous réserve des conditions stipulées au Code et au Règlement. Cette disposition vise les employés à temps plein et à temps partiel, de même que les employés occasionnels et contractuels.[6] Même les employés ayant plusieurs employeurs sont considérés comme étant employés de façon continue aux termes des dispositions relatives au congé payé pour raisons médicales.[7] Bien qu’il y ait eu possibilité que le congé payé pour raisons médicales ne vise que les employeurs comptant 100 employés ou plus[8], cette disposition n’entre pas en vigueur le 1er décembre 2022 et ne prendra effet qu’à la suite d’un décret. À ce moment-ci, il ne semble pas y avoir de plan quant à l’entrée en vigueur de cette disposition.

Les employés peuvent prendre un congé payé pour raisons médicales pour les motifs suivants :

  1. maladie ou blessure;
  2. don d’organe ou de tissu;
  3. rendez-vous médical pendant les heures de travail;
  4. quarantaine.

 

A. Accumulation

À compter de l’entrée en vigueur de ces nouvelles modifications, les employés des employeurs sous réglementation fédérale auront progressivement droit à dix jours par année de congé payé pour raisons médicales.[9] Si la plupart des employeurs effectuent leur calcul sur une année civile, ils peuvent aussi le faire sur la période de 12 mois déterminée aux fins du calcul des vacances annuelles.[10]

 

Les employés accumulent leurs 3 premiers jours de congé payé pour raisons médicales après avoir terminé la période d’admissibilité initiale de 30 jours. À la suite de cette période d’admissibilité, l’employé doit effectuer un mois civil d’emploi continu supplémentaire auprès de l’employeur, après quoi il accumulera progressivement un jour additionnel de congé payé pour raisons médicales par mois civil, jusqu’à concurrence de dix jours par année.[11]

 

Ainsi, les employés déjà en emploi auprès d’un employeur sous réglementation fédérale amorceront leur période d’admissibilité de 30 jours le 1er décembre 2022 et obtiendront leurs 3 premiers jours de congé payé le 31 décembre 2022. Ils devront ensuite effectuer un mois civil complet de travail auprès de l’employeur, soit le mois de janvier 2023, après quoi ils obtiendront un jour de congé payé par mois. Ils obtiendront donc leur quatrième jour de congé le 1er février 2023.

 

Aux fins de l’accumulation, les règles sont les mêmes pour les employés embauchés après le 1er décembre 2022. Par exemple, si un employé est embauché le 14 janvier 2023, sa période d’admissibilité de 30 jours se terminera le 13 février 2023 et il cumulera dès lors ses trois premiers jours de congé payé pour raisons médicales. Il devra ensuite effectuer un mois civil complet d’emploi. Étant donné que sa période d’admissibilité se termine au milieu du mois de février, le mois civil complet suivant est le mois de mars. L’employé obtiendra alors son quatrième jour de congé pour raisons médicales après avoir terminé le mois de mars au complet, soit le 1er avril 2023.

 

Il convient de rappeler que la période d’admissibilité est de 30 jours et non pas d’un mois civil. Toutefois, la période subséquente doit être d’un mois civil complet, lequel commence le premier jour du mois suivant la date de la fin de la période d’admissibilité. Les employés obtiennent ensuite un jour supplémentaire le premier de chaque mois civil, jusqu’à concurrence de dix jours.

 

Les employés ont le droit de reporter d’une année à l’autre des jours non utilisés. Le nombre de jours pouvant être reporté sera toutefois comptabilisé dans le maximum de dix jours qu’un employé peut acquérir au cours de l’année suivante.[12] Jamais un employé n’aura droit à plus de dix jours de congé payé pour raisons médicales par année. À titre d’exemple, si un employé reporte sept (7) jours d’une année à l’autre, il ne pourra accumuler que trois (3) jours l’année suivante.

 

B. Utilisation des jours de congé payé pour raisons médicales

Un employé peut utiliser un (ou plusieurs) de ses jours de congé payé pour raisons médicales n’importe quel jour où il est inscrit à l’horaire de travail ou auquel on s’attend à ce qu’il travaille. Les employés ont droit à plusieurs types de congés en vertu du Code et parfois en vertu des politiques établies par l’employeur ou de leur convention collective (p. ex., les congés personnels payés[13]). La décision de catégoriser un jour de congé en particulier à titre de congé payé pour raisons médicales au lieu d’un jour de congé en vertu d’une autre politique relève de la discrétion de l’employé et non pas de l’employeur.[14] Ce dernier peut toutefois exiger que chaque période de congé soit d’au moins un jour complet.[15]

 

Un employé qui fait usage d’un congé payé pour raisons médicales est rémunéré selon son taux salarial habituel pour des heures de travail normales.[16] Dans le cas d’un employé dont les heures de travail diffèrent d’un jour à l’autre ou dont la rémunération est basée sur autre chose que des heures (p. ex., au kilomètre ou à la commission) le taux salarial normal est la moyenne de sa rémunération journalière (en excluant les heures supplémentaires) des 20 jours travaillés avant le premier jour du congé payé pour raisons médicales.[17] Il convient de préciser que cette moyenne est calculée sur les 20 jours travaillés et non pas simplement sur les 20 jours précédents. La méthode de calcul peut différer lorsqu’une convention collective prévoit une autre méthode. Cette méthode sera applicable aux jours de congé payé pour raisons médicales lorsqu’elle vise expressément ceux-ci ou qu’elle s’applique à toutes les formes de congé.[18]

 

Après cinq jours d’absence consécutifs ou plus, l’employeur peut demander que l’employé fournisse un certificat médical délivré par un professionnel de la santé [19] pour justifier sa période de congé pour raisons médicales.[20] L’employeur doit faire cette demande dans les 15 jours suivant le retour de l’employé au travail.[21]

 

C. Tenue de registres

Les employeurs sont tenus de conserver pendant au moins trois (3) ans des dossiers détaillés de l’utilisation par leurs employés du congé payé pour raisons médicales incluant les éléments suivants :

  • la rémunération prévue au titre du congé payé pour raisons médicales;
  • les dates du début et de la fin du congé pour raisons médicales;
  • l’année de service au cours de laquelle le droit à ce congé est acquis;
  • le nombre de jours de congé reportés d’une année précédente;
  • une copie de toute demande écrite présentée pour obtenir un certificat médical et du certificat correspondant.[22]

Congé payé pour raisons médicales et droits existants

L’employé n’a pas nécessairement droit à des jours supplémentaires de congé payé pour raisons médicales en vertu de ces nouvelles dispositions du Code s’il est déjà admissible à des avantages semblables en vertu de son contrat d’emploi, d’une politique de l’employeur ou d’une convention collective.

 

Si un employé a déjà droit à certains jours payés de maladie ou de congé pour raisons médicales dont la portée et les conditions sont similaires à celles qui sont prévues par le Code, ces jours seront alors considérés comme l’équivalent des nouveaux jours payés pour raisons médicales.[23] Cela signifie que les employés doivent pouvoir prendre leurs congés existants au moins pour les mêmes raisons (soit une maladie, une blessure, un don d’organe ou de tissu, un rendez-vous médical ou une quarantaine) et dans des conditions au moins les mêmes (soit une rémunération égale ou supérieure).

 

Toutefois, si un droit existant à un congé de maladie a une plus grande portée ou est plus avantageux que ce qui est désormais prévu par le Code, l’employé demeurera admissible à l’avantage le plus large. Par exemple, bon nombre d’employeurs, soit dans le cadre d’un politique ou en vertu d’une convention collective, accordent un certain nombre de jours de maladie chaque année sans qu’il y ait nécessairement de période d’accumulation. Cela est considéré comme un avantage accru auquel les employés continueront d’avoir droit malgré les nouvelles dispositions du Code.

 

Ce que les employeurs doivent garder à l’esprit

Vu la complexité de la méthode d’accumulation, les employeurs doivent être prêts à mettre en place des processus permettant de suivre l’accumulation, l’utilisation et le report des congés payés pour raisons médicales. Les employeurs doivent également être prêts à répondre aux questions des employés qui demandent un congé de maladie. De plus, les employeurs doivent actualiser leurs processus de tenue de dossiers et leurs pratiques de paie afin de demeurer en conformité à l’égard de ces nouvelles dispositions. Enfin, les employeurs doivent revoir les contrats et politiques d’emploi ainsi que les conventions collectives en place et les comparer aux nouvelles dispositions du Code en matière de congé payé pour raisons médicales afin de déterminer, s’il y a lieu, ce qu’ils doivent désormais offrir à leurs employés.

 

  1. Loi modifiant le Code criminel et le Code canadien du travail (L.C. 2021, ch. 27) [Loi]
  2. Projet de loi C-19, Loi d’exécution du budget, 1re session, 44e législature, 2022. [Projet de loi C-19].
  3. Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2 [Code].
  4. Règlement du Canada sur les normes du travail (C.R.C., ch. 986) [Règlement].
  5. Règlement modifiant certains règlements pris en vertu du Code canadien du travail (congé payé pour raisons médicales) : DORS/2022-228 [Règlement modificatif].
  6. Il convient de mentionner que les dispositions relatives au congé payé pour raisons médicales ne visent pas les étudiants en stage qui ne sont pas tenus d’être rémunérés en vertu du Règlement sur les normes relatives aux activités d’apprentissage en milieu de travail (DORS/2020-145).
  7. Règlement modificatif, supra note 5, art. 4.
  8. Projet de loi C-19, supra note 2, art. 424.
  9. Projet de loi C-19, supra note 2, art. 423(1); se reporter aussi à : Congé payé pour raisons médicales, IPG-118 [IPG-118].
  10. Règlement modificatif, supra note 5, art. 6.
  11. Projet de loi C-19, supra note 2, art. 423(1).
  12. Idem, art. 423(2).
  13. Code, supra note 3, art. 206.6.
  14. IPG-118, supra note 9.
  15. Loi, supra note 1, art. 7(1).
  16. Idem.
  17. Règlement modificatif, supra note 5, art. 3. Se reporter aussi à IPG-118, supra note 9.
  18. Idem. À noter : le congé payé pour raisons médicales est calculé selon la même méthode instaurée à l’égard du congé personnel payé dans le cadre d’amendements antérieurs (mais récents) apportés au Code et au Règlement.
  19. Un professionnel de la santé tel que défini à l’article 166 du Code : « personne légalement autorisée en vertu de la loi d’une province à fournir des services de santé au lieu où elle les fournit. »
  20. Projet de loi C-19, supra note 2, art. 423(3); IPG-118, supra note 9.
  21. Idem.
  22. Règlement modificatif, supra note 5, art. 5(2) et 5(3).
  23. Cumul (« Stacking ») – Congé payé pour raisons médicales, IPG-119 [IPG-119].

 

Cet article a également été publié sur le site Carrefour RH de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec. Consultez la version d’origine ici.