Le programme de Travail partagé : soutien essentiel face aux droits de douane
Me Marie-Gabrielle Bélanger, CRIA, avocate, associé, Fasken
Avec la collaboration de Me Isabelle Bertrand, CRIA
Depuis le début de l’année, les effets des menaces et des droits de douane américains se font sentir sur le marché du travail canadien, imposant des défis considérables aux entreprises. Ces droits de douane peuvent entraîner une réduction de l’activité commerciale, des mises à pied temporaires et une instabilité économique. C’est dans ce contexte que le programme de Travail partagé (ci-après le « Programme ») se révèle être un outil précieux pour les entreprises canadiennes confrontées à des baisses temporaires d’activité. Les récents ajustements apportés au Programme en réponse aux droits de douane américains offrent désormais des mesures spéciales additionnelles pour soutenir les entreprises et leurs employés durant cette période d’incertitude.
Qu’est-ce que le Programme de travail partagé?
Le Programme est une initiative du gouvernement canadien qui a été conçu pour aider les employeurs et les employés à éviter les mises à pied lors de ralentissements temporaires de l’activité normale d’une entreprise, indépendants de la volonté de l’employeur. Depuis sa création, il a permis à de nombreuses entreprises de conserver leurs travailleurs qualifiés et expérimentés.
Selon Emploi et Développement social Canada, entre le 31 mars 2024 et le 4 avril 2025, le programme de Travail partagé a reçu 1 019 demandes et approuvé 706 accords, représentant une valeur estimée de 97 353 866 $. Grâce à ces accords, environ 9 432 mises à pied ont été évitées, et 26 830 employés ont pu participer au Programme. Le délai de traitement moyen des demandes est de 9,1 jours ouvrables.
Comment fonctionne le Programme?
Les accords de travail partagé impliquent les employeurs, les employés, les syndicats (le cas échéant) et Service Canada. Les parties intéressées doivent accepter de participer au Programme. C’est ensuite que la personne représentant l’employeur et celle représentant le syndicat (s’il y a lieu) doivent présenter une demande de participation au Programme.
Voici ses grandes caractéristiques :
Unité de travail partagé: Une unité de travail partagé est un groupe d’employés qui exécutent des tâches similaires et qui acceptent de réduire leurs heures de travail sur une période définie;
Partage équitable du travail : Tous les membres d’une unité de travail partagé doivent accepter de réduire leurs heures de travail selon le même pourcentage et de partager le travail disponible;
Réduction prévue du travail: L’unité de travail partagé doit réduire ses heures de travail d’au moins 10 % à 60 %. Cette réduction peut varier d’une semaine à l’autre, mais la réduction moyenne des heures de travail doit se situer entre 10 % et 60 % pour la durée de l’accord;
Durée et prolongation de l’accord: Un accord de travail partagé doit avoir une durée minimale de 6 semaines consécutives et peut durer jusqu’à 26 semaines consécutives. Une extension d’un maximum de 12 semaines peut être demandée, portant la durée totale de l’accord à 38 semaines;
Rémunération : Pour la durée de l’accord de travail partagé, les employés reçoivent des prestations de l’assurance-emploi pendant les journées ou les heures durant lesquelles ils ne travaillent pas. En contrepartie, l’employeur s’engage à maintenir les avantages sociaux existants des employés participants.
Le Programme présente de nombreux avantages pour les entreprises canadiennes et québécoises. Il permet également de réduire temporairement les coûts salariaux tout en conservant l’expertise des employés. En outre, il offre une flexibilité opérationnelle, permettant aux entreprises de s’adapter rapidement à une réduction d’activité sans les coûts ni les perturbations associées aux licenciements.
Pour les travailleurs, le Programme constitue une protection essentielle en leur assurant la sécurité de l’emploi et en atténuant le risque de chômage total. Il offre une stabilité financière grâce aux prestations d’assurance-emploi qui compensent partiellement la réduction des heures de travail. Les employés peuvent ainsi continuer à exercer leur métier et à maintenir leurs compétences à jour. De plus, ils conservent leurs avantages sociaux et leur ancienneté. Ils peuvent aussi profiter de l’occasion pour se former et acquérir de nouvelles compétences.
Quelles sont les nouvelles mesures spéciales?
Élargissement de l’admissibilité
Les mesures spéciales, en vigueur du 7 mars 2025 au 6 mars 2026, visent à fournir un soutien additionnel aux entreprises touchées par les droits de douane américains. Les employeurs constatant une baisse de l’activité commerciale due à la menace ou à la réalisation potentielle des droits de douane peuvent être admissibles s’ils :
- sont en activité au Canada depuis au moins un an;
- ont au minimum deux employés admissibles à l’assurance-emploi qui acceptent une réduction d’heures et de partager tout travail disponible.
En vertu des mesures spéciales, l’admissibilité des employeurs est élargie pour inclure :
- les organisations à but non lucratif et caritatives subissant une réduction de leurs revenus en raison directe ou indirecte des droits de douane;
- les employeurs saisonniers ou cycliques;
- les employeurs ayant subi une diminution de l’activité de travail au cours des 6 derniers mois de moins de 10 % et permettant un recours au travail partagé supérieur à 60 %.
L’admissibilité des employés est également élargie pour inclure :
- les employés non permanents, à temps plein ou à temps partiel à l’année, spécifiquement les employés saisonniers ou cycliques;
- les employés contribuant aux efforts de relance de l’employeur.
Flexibilités et avantages additionnels
Les flexibilités des mesures spéciales comprennent :
- une durée maximale de l’accord du travail partagé allant jusqu’à 76 semaines;
- la suppression de la période d’attente obligatoire entre deux accords de travail partagé successifs pendant la durée des mesures spéciales;
- la possibilité d’axer les mesures de redressement sur la capacité de l’entreprise à maintenir sa viabilité face aux impacts des droits de douane américains.
Conclusion
Les nouvelles mesures du Programme offrent un soutien essentiel aux entreprises canadiennes face aux défis posés par les droits de douane américains. En élargissant l’admissibilité et en offrant des flexibilités supplémentaires, il aide à maintenir la viabilité des entreprises et à protéger les emplois, contribuant ainsi à la stabilité économique du marché actuel. Le Programme, bien que complexe, est structuré pour englober tous les acteurs pertinents, garantissant ainsi une distribution équitable du travail réduit et un soutien financier adéquat pour les travailleurs.
Source : VigieRT, Ordre des conseillers en ressources humaines agréés du Québec, avril 2025